red code. (lino)

Dernier message. « Je suis toujours dans la voiture. » Fantastique. Cami a besoin de quelques secondes pour se remémorer la situation catastrophique dans laquelle ils s’étaient tous les deux mis. Retrouver son amant dans le camping de leur enfance, c’était quelque chose de déjà dangereux en soit, chose qu’ils avaient réussi à faire sans obstacles jusqu’à maintenant. Mais cette année là, il n’était pas venu seul. Comme lui rappelle sa femme qui vient l’enlacer pour parler du bungalow. Il ne l’écoute que d’une oreille alors que ses yeux sont sur le petit garçon trop occupé à déballer ses jouets. C’était absolument pas comme ça qu’il avait prévu de passer ces vacances là. Faire de la surveillance de piscine n’était pas dans ses plans, non. Il se voyait déjà sur le sable à simplement profiter du soleil et du bruit des vagues en sa compagnie, à se foutre d’à quelle heure ils allaient se réveiller ou encore manger. Vivre d’amour et d’eau fraîche, ça devait être ça son planning de vacances. Il retient un soupir avant de finalement réagir. Il prétexte un oubli dans la voiture pour y retourner et aussitôt dit, on le voit sortir du bungalow. Un bungalow en plus. Cami connaît le camping par cœur, les petits raccourcis, les zones à éviter, quelques minutes plus tard, il est dans le parking à repérer la voiture de Lino. Il accélère quand il la voit enfin et ouvre directement la porte du côté passager. « On est dans la merde. » C’est la première chose qu’il dit, avant de reprendre son souffle et de prendre le temps de contempler Lino. Ça l’étonne à chaque fois, de constater à quel point il lui avait manqué, à quel point il avait tendance à oublier certaines traits de son visage ou encore, à quel point il pouvait l’aimer. C’était tellement différent de ce qu’il connaissait avec sa femme, il ne pouvait se passer des deux. « Salut. » Il se reprend finalement avec un grand sourire, posant une main sur sa joue pour venir l’embrasser. Le premier baiser est toujours spécial, normalement, c’est ça qui débute leurs vacances et pas une installation compliquée avec un gamin qui n’arrivait pas à trouver sa peluche tigre. Il prend un temps pour reprendre son souffle après leur baiser, marquant dans sa tête la douceur de ses lèvres. « T’as changé de parfum ? » Il rit alors avant de se prendre la tête dans les mains, déjà désespéré de leur situation.

Il ne voulait pas de ça pour son été Lino. Il le voulait lui, seulement lui. Cami et personne d’autre, comme tous les ans. Des semaines passées à dormir jusque tard dans la matinée, à gravir quelques collines pas loin, à bronzer au soleil et farniente tous les deux. Il rêvait de retrouver son premier amour, de le prendre dans ses bras, de lui tenir la main. De jouer au couple l’un envers l’autre, comme ils le faisaient si bien depuis quinze ans. Mais cet été, ce n’était pas possible. Il a compris pourquoi Mila avait insisté, pourquoi elle s’était énervée et au fond, il est heureux de passer du temps avec elle. Il l’aime énormément, mais il aime Cami presque autant. Après avoir posé toutes leurs affaires dans la hutte, Lino prétexte d'avoir oublié quelque chose dans la voiture. Il a besoin de le voir avant que la folie ne commence. Besoin qu’ils se voient au moins une fois. La vérité est qu’il a peur. Pas tant que leur histoire éclate au grand jour et menace leurs vies respectives, mais qu’ils ne puissent pas se voir comme ils en ont tellement l’habitude. Alors il attend, derrière le volant de sa voiture à l’arrêt. Lorsque Cami arrive enfin, il se prend en pleine face une effluve de son odeur qu’il aime tant. L’odeur de l’été, comme il aime l’appeler. Les premiers mots le font souffler, il affiche une mine défaitiste et ça le fait tomber sa tête en arrière, contre l’appui-tête du siège. « Je sais. » Mais fort heureusement ça ne dure pas, bien vite Cami pose une main sur sa joue, faisant vibrer son corps comme personne ne sait réellement le faire. Un an qu’il attend ce moment, de sentir à nouveau les lèvres de son amant sur les siennes. Et comme toujours, son cœur manque un battement. Parce qu’il a cette sensation de revenir à la maison après une longue absence. C’est une bouffée d’air frais, un besoin vital. Doucement, il glisse sa langue contre celle de Cami, approfondissant le baiser si c’est le seul qu’ils peuvent avoir. « Salut. » répète-t-il après l’avoir embrassé. « Non, de déo peut-être. Ou alors c’est l’odeur de Mila… » Une triste réalité qui pourtant est vraie. La voiture entière est imbibée de son odeur à elle, de leur odeur à eux. Sans Cami. Et ça le brise un peu de devoir l’admettre et lui rappeler aussi tôt qu’elle est là aussi, mais si ce n’était pas le cas ils ne se retrouveraient pas dans une voiture. « Ca va aller Cami, on va… ça va marcher. » Il pose sa main sur le genou du brun… blond ! « Qu’est-ce que tu as fait à tes cheveux ?! » Il se sent un peu con de ne pas avoir vu quelque chose d’aussi évident dès que le jeune homme a pénétré dans la voiture, mais il faut croire qu’il était trop submergé par d’autres émotions. Sa main voyage donc vers le crâne, ses doigts s’enroulent autour des mèches nouvellement blondes, avant de revenir se poser sur la cuisse. « Tu pensais que tu n’étais pas assez sexy ? Fallait que tu deviennes blond pour me torturer encore un peu plus cet été ? » Mais ce n’est pas vrai ça, parce qu’au départ, la torture vient de lui.

Comment ils en étaient arrivés là ? Une demande en avait entraîné une autre. Cami se voyait mal tenir la chandelle alors il avait étendu l’invitation à sa propre famille. Evidemment, ça lui faisait quand même plaisir mais ces changements allaient bouleverser la tranquillité et l’équilibre qu’ils avaient trouvé été après été. Recharger ses batteries avant de reprendre une année complète, jamais plus, une relation qu’ils aimaient comme elle était, qu’ils avaient construite et façonnée pour qu’elle ne ressemble à aucune autre. Et se dire que cette fois-ci, il pourrait passer à côté de son amour d’été, ça le déprimait. Le baiser lui réchauffe le cœur, le sentir si près, enfin, l’avoir à porter de main, goûter ses lèvres, s’enivrer de son odeur. Il pince simplement les lèvres quand il parle de Mila, sans vraiment savoir quelle position adopter. En temps normal, elle était fantastique et il leur souhaitait évidemment tout le bonheur du monde. Mais pas l’été alors que c’était leur période à eux. Il sent cette pointe de jalousie faire surface mais préfère la garder pour lui. Il n’avait pas le droit après tout, c’était comme ça et c’était pour le mieux, il le savait. « J’espère que ça va aller. On va devoir être ingénieux sur ce coup là. » Cami avait déjà commencé à élaborer des plans plus foireux les uns que les autres pour espérer grappiller quelques minutes en sa compagnie. Il ne comptait même pas ça en heure, ça serait seulement des minutes, des moments volés. Pas de balade main dans la main sur la plage, pas de longue matinée enlacée sous une tente, rien de tout ça, coincé dans un bungalow. Lino pose sa main sur son genou, s’exclame sur ses cheveux. Il lâche un léger rire. « Je voulais un peu de changement, te faire une surprise. » Il sourit, laissant la main du brun parcourir sa tête, caresser ses cheveux avant de glisser sur sa cuisse. Le contact l’électrise déjà, preuve d’un manque qu’il va être compliqué de combler. « Content de savoir que ça te plait, que tu me trouves toujours aussi sexy d’ailleurs. » Il commence un peu à se détendre, sans oublier pourtant qu’ils sont en train de se voir en cachette dans une voiture. « Promis, la torture sera douce. Je pense que je vais adorer faire de la randonnée cette année ! » Pas qu’il n’aimait pas ça mais en général, c’était surtout pour lui faire plaisir. Mais les pensées repartent vers des sujets moins drôle et Cami préfère regarder par le pare brise pour parler de sa famille. « Alba et Leo sont en train de finir de s’installer, on a un bungalow pas loin de la piscine. Vous pourrez venir diner ou déjeuner assez souvent je pense, si les filles s’entendent bien. » Le cœur loupe un battement, la déception se fait entendre. Il sait très bien qu’il n’a pas pu faire autrement. « Ça va le faire, on va trouver des solutions, on est doué pour ça ! » Il se veut positif, il veut chasser cet air perdu dans ses yeux, il revient alors cueillir un baiser sur ses lèvres, il sait qu’ils se feront rares. « Tu m’as manqué Lino… » Il murmure doucement alors que sa propre main vient se poser aussi sur sa cuisse.

C’est difficile, il le sent déjà. Avoir la présence de Cami à ses côtés, dans le petit habitacle de la voiture, est déjà un réconfort en soi, mais ce n’est pas suffisant par rapport à ce à quoi ils sont habitués. D’ordinaire, ils partagent une tente, une couchette, passent leurs nuits à longer les plages et les matinées à dormir dans les bras l’un de l’autre. L’été est fait pour qu’ils s’aiment, rien que tous les deux. Des semaines hors du temps, hors de la vie quotidienne et de toutes les responsabilités du monde. Il n’y a qu’eux, leur amour, leur bonheur. Lino a du mal à accepter que cette année d’autres se soient ajoutés à leur routine amoureuse. Il a beau aimer sa petite amie, elle ne peut pas lui apporter ce que Cami lui offre. Le contraire est vrai également, mais il est aux côtés de Mila tout le reste du temps, alors pourquoi ne peut-il pas en avoir un peu avec Cami ? « On va être ingénieux ! On proposera d’aller faire des courses ou on se lancera dans des activités qui ne plaisent pas aux autres. On trouvera. » Il hoche la tête, sa main sur le genou de son premier amour. C’est aussi simple que ça, il n’y a pas d’autres solutions. Hors de question qu’ils ne puissent pas profiter de l’été et repartent chacun de leur côté sans avoir pris une dose de l’autre. Et si les changements qui se préparent dans sa vie l’inquiètent un peu à ce sujet, il se rassure en se disant que devenir père n’a jamais empêché Cami de le rejoindre pendant l’été.

L’atmosphère s’allège soudainement quand Lino passe ses doigts dans les cheveux blonds. « Évidemment que je te trouve toujours sexy. On fait difficilement plus sexy que toi… C'était une bonne surprise. » Il est plutôt ravi de la situation, c’est vrai. Ca rajoute un petit charme en plus à cet homme qu’il connaît depuis si longtemps, bien qu’il serait entièrement captivé par la version brune aussi. Mais là, il peut imaginer un Cami blond qui le tente à la piscine, à la plage, sous la douche. De quoi le rendre un peu fou tout l’été. « Tu vois, la randonnée c’est utile ! » rit-il doucement. « On pourra se perdre dans des petits sentiers où personne ne nous trouvera. » Pour mieux se perdre dans les bras de l’autre. Mais ça, ça ne sera que ponctuel évidemment. Parce que Cami a sa femme et son fils avec lui, qu’il va devoir s’en occuper, aimer sa femme, passer du temps avec le petit. Et lui aussi, devra prendre soin de Mila, faire des choses avec elle, ensemble, pour que ces vacances leur soit bénéfique.« J’espère qu’elles s’entendront bien. On passerait du temps tous ensemble, et ce serait plus simple de s’éclipser que tous les deux si elles peuvent s’occuper ensemble. » C’est mal et il le sait. Lino est partagé entre son amour pour Mila et son amour pour Cami. Deux flammes incompatibles et qui pourtant brûlent en lui avec la même intensité depuis des années. En essayant de les rassurer l’un comme l’autre, il caresse la cuisse du blond, profitant de retrouver son corps qu’il aime tant. Un nouveau baiser, un peu plus doux, un peu plus triste. Mais il en profite tout de même, il le savoure, avant que les mots de Cam ne le touchent en plein cœur. « Tu m’as manqué aussi. J’avais vraiment besoin de te voir. » Pas seulement une envie, un besoin. De l’entendre parler, de l’entendre rire. Le voir mal réveillé le matin ou totalement excité par un feu d’artifice. Excité dans ses bras aussi, d’une manière différente. « On pourrait peut-être même partir deux jours. On prétexte qu’on part en grande randonnée, qu’on va faire du camping sauvage seulement une nuit, entre gars. Mila ne voudra pas venir et Alba devra rester avec Leo. On pourra réfléchir à ça. » Oui, il est persuadé de tenir quelque chose avec cette idée, mais pour le moment il sent que les plans sont à mettre de côté. Ils doivent se retrouver. « Je suis désolé de t’imposer ça cet été. » La tristesse est lisible dans ses yeux, mais il les cache rapidement en s’approchant et en posant son visage sur l’épaule de Cami. « J’aimerais n’être qu’à toi encore. » Comme tous les ans. C’est une relation particulière qu’ils ont, pas vraiment exclusive et pourtant, ils savent que leur lien est unique. « Tu veux pas qu’on passe à l’arrière ? » Ce serait dangereux et il le sait, mais il meurt d’envie de se rapprocher de lui. De sentir ses bras autour de lui, de poser ses mains sur son corps, de regoûter à son être.

Les souvenirs de l’année dernière reviennent petit à petit, forcément. Des doux souvenirs un peu amers maintenant qu’ils sont tous les deux restreints par les circonstances. Les matinées seront différentes tout comme les soirées. Les nuits seront partagées avec d’autres personnes et c’est sûrement ça que Cami trouve le plus dur, même si la personne en question est la femme qu’il aime et la mère de son fils, c’est juste différent. De toute façon, si l’amour et l’affectation étaient des choses rationnelles, ça se saurait. Se retrouver de cette manière chaque été, faire comme s’ils étaient seuls au monde, ce n’était pas rationnel, tout comme mentir à leurs conjointes sans en ressentir une quelconque culpabilité, pas rationnel non plus. Il hoche la tête, il veut y croire qu’ils y arriveront. Et puis sinon, ça sera pour l’année prochaine même si rien que de penser à cette éventualité lui brisait le cœur. Parce que c’était sûrement pire que tout, savoir qu’il était là mais inatteignable, intouchable. « Que de compliments, je vais prendre la grosse tête si tu continues. » Il sourit jetant un coup d’œil quand même à son reflet dans le rétroviseur, heureux de lui faire cet effet là. Il ne changeait jamais trop d’une année à l’autre, toujours en forme, toujours souriant, toujours le même depuis leur premier baiser. « C’est une idée tentante oui, pour une fois que je suis d’accord avec toi sur ça. » Il rit à son tour, pensant plus à ce qui se trouvera au bout du chemin qu’à la balade en elle-même. Cami n’avait jamais été un fan de balade mais si ça pouvait lui permettre d’échapper aux regards de leurs compagnes, il était plus que partant. Il pourrait faire n’importe quoi pour quelques moments volés en sa compagnie. « On va bientôt voir ça. On va devoir faire les présentations assez rapidement de toute façon. » Il appréhendait un peu ce moment, ou leurs deux mondes allaient se rencontrer, où soudainement, il s’agissait d’autres personnes qu’eux. Lino était venu à son mariage donc peut-être qu’Alba se souvenait de lui de vue mais ils n’avaient pas vraiment échangé et à cette époque, son ami était encore seul. Un mariage un peu à la va vite, il dit l’admettre, quelques mois seulement après la naissance de leur fils pour officialiser pour que tout le monde soit content ou peut-être pour qu’il ne se défile pas de ce rôle de père. Qu’importe, ça avait été un des jours les plus beaux de sa vie. Parfois, il se demandait ce que ça aurait changé, si c’était Lino qui l’avait attendu à l’autel et pas sa femme. Mais l’idée s’évaporait bien rapidement. Leur relation était parfaite comme elle était et lui suffisait. Et puis, il n’était pas très loin au besoin, c’était aussi ça qui était important. Toujours là, l’un pour l’autre. Cami veut profiter de leurs retrouvailles, essaye de prendre le maximum de chacun de leurs échanges. « Moi aussi. J’ai toujours besoin de ces vacances avec toi. Surtout de toi. » Ils pourraient aller ailleurs s’ils le voulaient vraiment, tant qu’ils avaient ce temps ensemble, c’était le plus important. « On peut faire ça oui, c’est une bonne idée. Je vois mal comme elles pourraient s’y opposer, après tout, c’était censé être des vacances entre gars de base. » Il veut réagir avec le sourire, la dernière dont il a envie est de faire culpabiliser Lino. Il veut lui sourire, chasser cette tristesse de ses yeux. « T’excuses pas, c’est une position difficile et c’est compréhensible. J’aurais sûrement fait la même chose à ta place. » Il avait eu de la chance que Léo soit né avant l’été, que les parents d’Alba soit venu l’aider quand lui était parti, un heureux concours de circonstances. Mais là, c’était différent et ils n’y pouvaient rien, à part faire avec. « Je peux bien te partager un peu. Et tu vas devoir me partager aussi. » C’est sûrement une autre chose qui allait compliqué, la jalousie n’avait pas sa place dans leur arrangement d’habitude mais cette fois-ci, ils allaient forcément devoir jouer leurs rôles respectifs. « Mais on le sait, je le sais que tu n’es qu’à moi en été. » Il veut le rassurer, lui montrer que ça ne change rien à ses sentiments pour lui. Un instant d’hésitation avant qu’il ne regarde l’heure. Oh, ils ont bien encore quelques minutes devant eux. Puis sinon, il mentira, il commençait à être bon à ça. Alors Cami ne perd pas une seconde, il ouvre la portière avant de rentrer dans la voiture à l’arrière. Plus d’espace pour pouvoir le prendre dans ses bras, le sentir contre lui. « C’est vrai que c’est mieux. » Pas encore parfait mais il se disait que ce n’était qu’une question de temps avant que ça commence à l’être. Au moins, ça lui permet de l’embrasser comme il le veut, de glisser doucement une main sur sa peau pour retrouver ces sensations si agréables. Malheureusement, il n’y aura rien de plus aujourd’hui. Son téléphone se met alors à sonner dans sa poche. « Désolé. » Il marmonne alors qu’il décroche. Alba lui demande s’il est toujours à la voiture et s’il n’a pas trouvé la peluche tigre. Il le répond qu’il est en train de chercher, un bras autour des épaules de Lino. Finalement, il raccroche. « On a encore quelques minutes. »